J'ai reçu ces dernières semaines plusieurs MP me demandant comment entrer dans une agence de photo.
Ayant hélas eu assez peu de temps pour répondre individuellement, je fais ce post qui profitera à tous.

Ce que j'indique n'est (forcément) que mon avis personnel et mon expérience. Je pense, et ai constaté, qu'il y a presque autant d'expériences et de parcours que de photographes.

Attention: je parle bien ici d'agence de photo de sports, pas de la réalité du marché de tous les types d'agence.


La première chose à savoir c'est qu'une agence de photo est une agence de presse. En conséquence elle emploie plutôt des journalistes, des photographes détenteurs de la carte de presse. Une agence peut très bien vous signer un contrat pigiste, freelance, mais ce n'est pas cela qui vous fera obtenir la carte de presse. Sur beaucoup d'événements d'importance, vous n'avez quasiment aucune chance d'être accrédité sans carte de presse. L'agence ne sera pas le sésame magique. Cela pourra être utile si c'est une agence d'importance, type AFP, Reuters ou AP. Sans carte de presse, particulièrement en France en tout cas, il est compliqué de couvrir quoique ce soit d'importance, de niveau professionnel. Et pour avoir une carte de presse, c'est très simple: 51% de vos revenus annuels doivent provenir du journalisme. Il ne faut pas minorer l'importance de la carte de presse. Photographe de presse est un métier, avec des mecs qui en vivent (qui essaient). J'ai l'exemple récent d'une organisation délivrant des accréditations qui a appelé une agence importante pour l'informer qu'elle n'accréditerait plus pour ses événéments tel photographe. Le motif: ce photographe a un métier par ailleurs, n'a jamais eu la carte de presse car gagne bien plus avec son métier qu'avec la photo, et tout simplement (et surtout diront certains) les autres photographes présents sur le dernier événement ont manifesté leur ras-le-bol... Que vous n'ayez pas la carte de presse, que vous ayez peu de chance de l'avoir parce que vous êtes un amateur qui a par ailleurs un métier, peut freiner une agence.

Une agence de photo emploie des photographes, salariés, et des pigistes (des freelances). Les pigistes ont un contrat qui les lie à l'agence, pas nécessairement de façon exclusive. Un pigiste est rémunéré soit sur la vente de chaque photo, soit en pige. Dans le premier cas, il shoote, couvre des événements, ses photos sont en stock dans l'agence, distribuées par elle et il va toucher un pourcentage sur la vente/publication de chaque photo. Ce pourcentage est en moyenne de 30 à 50%. Dans le second cas, le pigiste est payé à la prestation. Il va couvrir un match, il touche telle somme. Pour être franc, je ne connais pas de pigiste qui bosse encore ainsi. Un ami a longtemps bossé ainsi pour AP en France. C'est plus le cas aux USA par exemple où le droit d'auteur est moins à l'avantage des photographes. Dans le cas de la pige à la prestation, le photographe doit aussi garder ses droits et toucher sur les ventes en France.

Le paiement se fait quoiqu'il en soit normalement en pige. La pige en presse est un salaire. Vous faites deux ou trois articles pour une publication, vous avez une feuille de salaire à la fin du mois, vous avez une photo publiée, vous avez une feuille de salaire à la fin du mois. Pareil pour une agence de photo (normalement, il peut y avoir des cas particuliers). Non, il est inutile d'être en auteur photographe, ni même en société. Vous toucherez un salaire du montant du pourcentage de vos parutions.

La seule motivation d'une agence est son intérêt. Il faut que d'une manière ou une autre votre candidature présente un intérêt pour elle. En tant qu'amateur, ne comptez pas trop sur le talent ou la formidable qualité de vos photos pour intéresser une agence. La photographie de sports à 90% c'est de la couverture d'événements, ce n'est pas du photojournalisme et vous avez donc peu de chance de taper dans l'oeil sur la qualité d'un reportage, de plusieurs. Ce n'est pas cela qui l'intéresse. Cela ne veut évidemment pas dire qu'il ne faut pas avoir un bon niveau. Et surtout, si vous entrez dans une agence, et que votre production n'est par la suite pas à la hauteur de ses exigences, elle ne mettra tout simplement pas/plus vos photos dans son stock, donc vous n'aurez aucune chance de vente.

Pour intéresser une agence, il peut être suffisant d'être dans une région où elle a peu de correspondants. Ainsi à l'inverse, être à Paris c'est la croix et la bannière... Si peu de photographes sont présents dans votre ville pour couvrir des événements, vous intéresserez une agence.
Si vous couvrez des événements peu couverts (et donc aussi peu représentés donc oubliez des revenus permettant de s'acheter du matos régulièrement), ponctuellement l'agence peut être intéressée et vous signer un contrat freelance. Ce sera votre point de départ.
Si vous avez des photos d'un événement dont elle a besoin, cela peut suffire aussi pour qu'elle vous signe un contrat freelance. Cela ne veut pas dire nécessairement qu'elle fera de nouveau appel à vous, mais c'est le point de départ et vous avez la possibilité de couvrir des événements et de déposer en stock vos photos dans la banque d'images de l'agence.

Faut il un book ? Oui, il sera toujours utile de montrer son travail. Mais si l'agence n'est pas intéressée par vous pour une des raisons sus évoquées, si elle ne trouve pas son intérêt, peu de chances voire aucune que sur un book, en 2007, une agence vous signe un contrat. Ce n'est déjà que parce que vous avez l'opportunité de l'intéresser qu'elle aura besoin de voir si vous avez un niveau satisfaisant. Dans ce cas, il est utile d'avoir soit des photos diverses et de haute qualité d'un sport que vous maîtrisez, et pour lequel vous intéressez l'agence. Ou des photos de divers sports, si vous l'intéressez pour divers disciplines (parce que vous êtes par exemple dans une région où elle a peu de correspondants).

Faut il avoir des diplômes ? Non pas vraiment... si vous êtes étudiant une formation en photo peut être néanmoins utile pour intégrer une agence à l'occasion d'un stage.

L'agence peut ensuite vous fournir une lettre pour attester que vous travaillez pour elle, cela vous sera utile pour les accréditations, mais comme expliqué plus haut, rarement suffisant.

Pour conclure, travailler pour une agence, ça ne garantit pas des publications, loin de là. On reste tout de même noyé dans la masse. La production mondiale est énorme. Ainsi dites vous bien qu'un événement peu couvert, que vous pouvez proposer, l'est justement peu car il sera peu vendu, distribué. Certains sports ne sont aussi pas beaucoup médiatisés. Un eosien me parlait de VTT par exemple. Cela relève de la presse magazine spécialisée. Cette presse fonctionne souvent avec peu de moyens, 2 ou 3 rédacteurs en interne, qui font parfois aussi les photos. Et on récupère un max de photos auprès des organisateurs des événements, et parfois d'amateurs qui se satisferont d'une publication, même gratuitement.

Faire des ventes en agence cela signifie bosser pour une bonne agence, qui tient encore le coup économiquement, qui distribue bien, a des liens privilégiés, des contrats avec plusieurs publications. Cela signifie ensuite shooter, shooter, shooter, sans cesse. Couvrir tous les événements, avoir une production variée, ce qui suppose de connaître et comprendre la presse, pour ainsi shooter ce qui peut se vendre.
Et n'oubliez pas qu'une agence a aussi quelques photographes staffés, salariés, et ceux ci sont prioritaires sur les événements les plus susceptibles d'être vendus. C'est normal, ils coûtent à l'agence. Un freelance ne coûte rien tant que l'agence n'a pas vendu ses photos.

A votre disposition pour des questions précises, mais pas en MP (sauf cas particuliers), ici afin que tout le monde en profite.