Avant de poster ce qui suit, j’ai pris le temps de m’informer et de réfléchir car il n’est jamais facile de jouer les trouble-fêtes.
Comme je l’ai dit dans mon premier commentaire, ces deux photos sont techniquement superbes.
Pourtant maintenant qu’à la demande de Sleg, Cedrick nous a un peu précisé les conditions de prises de vue, mon enthousiasme s’est bien refroidi car cette rencontre exceptionnelle du prédateur, de sa proie et du photographe a été provoquée par l’homme, et mon émotion n’est plus la même que si ce moment avait été naturel. C’est pourquoi à l’avenir il serait peut-être bon que le photographe mentionne dés le début que ses photos ont été faites à partir de l’affut payant d’une agence.
En ce qui concerne cette agence, Birding Tours, si j’ai bien compris, je ne vois pas en quoi son action protège les aigles de Bonelli. Elle n’est pas engagée avec la SEO Birdlife (équivalent espagnol de la LPO française). Pour son propre bénéfice elle attire donc à un endroit précis des oiseaux qui normalement sont assez farouches pour fuir la présence humaine, et elle les habitue à venir à cet endroit et à y trouver de la nourriture, modifiant ainsi leur comportement naturel. Quand je vois le pigeon mort offert en appât, je ne peux m’empêcher de penser qu’un oiseau n’en vaut pas un autre ; combien de pigeons peut-on sacrifier à un aigle de Bonelli ? Le photographe doit-il tuer le pigeon avant d’aller le poser sur le rocher ou est-ce le responsable qui a un stock de cadavres ? Je peux accepter qu’on nourrisse les nombreux vautours en France et en Espagne pour les aider à passer les périodes creuses, avec toutes les dérives que cela entraîne (voir les vidéos « Berger de vautours »).
https://www.youtube.com/watch?v=VJ8sehtiAXw
https://www.youtube.com/watch?v=XaKpmosudk0
Mais les quelques aigles de Bonelli doivent pouvoir trouver leur ration quotidienne sans intervention de l’homme. De l’affût payant en passant par le « muladar » espagnol, puis par le parc animalier jusqu’au zoo, ce n’est qu’une question de degré d’imprégnation et de perte progressive du caractère sauvage.
J’espère qu’en France, en particulier dans les Gorges du Tarn, la législation des Parcs Régionaux et Nationaux n’autorisera jamais ce genre d’affûts payants. L’Espagne semble plus tolérante ou plus intéressée par les bénéfices du tourisme ornithologique.
Après c’est à chaque photographe de déterminer sa propre déontologie. Pour moi la nature n’est pas un magasin ; la faune et la flore ne sont pas des marchandises.
L’Aigle comme l’Isard symbolisent le sauvage, le libre ; même si on veut me les vendre, je ne les achèterai pas. Et tant pis ou tant mieux si je ne photographie jamais la chouette de Tengmalm.
Pour conclure, je préfère laisser la parole à Romain Gary qui, dans son roman « Les racines du ciel », écrivait en 1956 : « Est-ce-que nous ne sommes plus capables de respecter la nature, la liberté vivante, sans aucun rendement, sans utilité, sans autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps ? »