Citation Envoyé par jesp Voir le message
je pense à ce journaliste qui a vécu pendant plusieurs mois avec les exilés turcs en Allemagne pour témoigner.
je pense que faire une photo sur la misère doit s'accompagner d'une véritable sincérité.
Je suis complètement d'accord.

Je pense à deux exemples qui m'ont touché personnellement.

J'ai l'occasion de faire régulièrement des gardes SAMU, et bien que ça ne soit pas le samu social, on en voit quand même des vertes et des pas mures.
Il m'est arrivé un nombre incalculable de fois d'intervenir sur des personnes dont la misère m'a réellement heurté au point d'en arriver à une certaine culpabilité d'en être le rare témoin.
Des gens qui vivent dans des endroits improbables, inaccessibles, dans des conditions pires que tout, dans la solitude la plus complète...
je me suis senti rongé de ne pas avoir d'autre vecteur que le discours pour véhiculer ce vécu.

Attention, je ne prétends pas qu'avec un reflex dans les mains j'aurais été hyper à l'aise et heureux de shooter ! Simplement, c'est ce sentiment que OUI, la misère on sait qu'elle existe, mais PEUT-ÊTRE ne réalisons nous pas à quel point et jusqu'à quelles extrémités...
Dans ce cas précis, j'envisage presque de faire des gardes en équipe de reportage (la légitimité est plus "facile" avec l'uniforme auprès des témoins, mais pas forcément vis-àvis du sujet... pas évident non plus).

Deuxième situation, peut-être plus légère mais tout aussi importante selon moi à capturer:
j'ai assisté il y a quelques mois à un comportement assez rare pour être noté.
Dans les environs proches de l'Etoile, à Paris, j'ai vu s'arrêter auprès d'un clochard un homme sembe-t-il en pause déjeuner, en costume etc., et partager avec lui son repas, assis à ses côtés.
Je suis repassé une demie heure plus tard, il y était toujours.

Le fais que cet homme puisse se préoccupper plus de ce moment de partage que de l'image qu'il renvoie auprès des gens de sa catégorie (après tout c'est un quartier d'affaires), m'a touché et m'aurait incité à prendre cette photo si j'en avais eu les moyens.

Et je n'aurais effectivement pas ressenti ce besoin si cet homme n'avait pas été là.

Dans ce cas il est pour moi tout aussi important de montrer que tout le monde ne se fout pas royalement de la misère.

Je ne suis pas sûr de faire avancer le schmilblik, mais bon...